Le bien-être à l’école : par où commencer?

Des leaders en éducation provenant de partout au Canada se sont réunis à Toronto les 5 et 6 octobre à l’occasion du symposium Bien-être des éducateurs, un mot clé de la réussite des élèves, afin de discuter de la façon de créer un climat favorable au bien-être pour tous.
Des leaders en éducation provenant de partout au Canada se sont réunis à Toronto les 5 et 6 octobre à l’occasion du symposium Bien-être des éducateurs, un mot clé de la réussite des élèves, afin de discuter de la façon de créer un climat favorable au bien-être pour tous.

Il y a bien des années, quand l’auteur métis David Bouchard était écolier, il racontait des histoires à qui voulait l’entendre. « J’ai toujours été conteur, mais quand j’allais à l’école, personne – ni enseignant ni camarade de classe – ne m’a jamais dit que mes histoires étaient intéressantes », observe M. Bouchard. «  Mais à 49 ans, alors que j’étais directeur d’école à West Vancouver, j’ai démissionné parce que je ne pouvais plus supporter l’idée d’attendre encore six ans avant de donner libre cours à mes rêves, mes talents et mon bien-être, tout ça pour recevoir une pension . » L’illustre carrière de M. Bouchard, qui a publié de nombreux ouvrages dans différents genres comme la poésie et la littérature pour enfants, l’a amené à réaliser que les gens ne veulent pas tous la même chose, et qu’ils ne partagent pas non plus les mêmes idées sur ce qui constitue une vie saine et réussie. Quand il travaillait avec des adolescents inuits à Arctic Bay, au Nunavut, il leur demandait : «  Savez-vous quel est votre taux de réussite en tant qu’élève du secondaire ? Mieux encore, savez-vous quelle est votre espérance de vie ?  » Une jeune fille lui a répondu : «  Inférieure de dix ans à celle du Canadien moyen, et ma réussite ou mon échec importe peu, parce que la plupart des universités canadiennes rejetteront ma demande, et de toute façon la plupart d’entre nous abandonneront l’école longtemps avant . » Tout comme David avait réprimé son amour du récit, ces élèves évoluaient au sein d’un système scolaire n’attachant aucune valeur aux tambourinages, au chant guttural et aux contes oraux, soit des aspects de leur vie essentiels à leur sentiment d’identité et de bien-être, mais des talents qui ne leur vaudraient ni bonnes notes ni diplôme d’études secondaires. David, grâce aux contes et à ses expériences personnelles, a pu cerner ce qu’il considère comme un point clé des systèmes éducatifs actuels, soit que, pour vraiment assurer leur bien-être et leur réussite, il doive traiter les enfants comme des personnes à part entière ayant des besoins, des dons et des talents qui leur sont propres, et que les éducateurs ont besoin de temps et de soutien pour y parvenir.

« Humanisme et bien-être à l’école », par Julien Contu
« Humanisme et bien-être à l’école », par Julien Contu

Ce point de vue fait valoir le but premier du symposium national de 2017 du Réseau ÉdCan intitulé Bien-être des éducateurs, un mot clé de la réussite des élèves. Il correspond à déterminer quelle forme prennent «  le bien-être  » et «  la réussite  » pour les dirigeants scolaires, les éducateurs, les parents, les membres des milieux scolaires et les élèves partout au Canada. Mais si les éducateurs sont surchargés de travail et qu’ils manquent de ressources, comment peuvent-ils arriver à nouer des relations personnelles avec leurs élèves, découvrir les talents innés et les difficultés de ces derniers, et faire preuve d’empathie, de soutien et de compréhension ? Demander à un enseignant d’établir des relations interpersonnelles avec chacun de ses élèves, c’est demander beaucoup, surtout quand il doit dans le même temps satisfaire aux exigences du programme d’études, remplir de la paperasserie, mener des activités parascolaires et vivre sa vie en dehors de l’école.

Les conférenciers et les participants, à l’occasion de 14 séances d’information et cinq discours liminaires sur deux jours, ont répondu aux questions suivantes :

  • Qu’est-ce que le bien-être ?
  • À quoi la réussite scolaire ressemble-t-elle ?
  • Et comment les districts scolaires peuvent-ils se faire le fer de lance du changement systémique nécessaire pour répondre aux besoins individuels des apprenants ?

Balado – «  Avez-vous confiance en eux ? Ont-ils confiance en vous ?  »

«  Avez-vous confiance en eux ? Ont-ils confiance en vous ?  », une entrevue exclusive avec David Bouchard, auteur métis, à Radio VoiceEd. (Balado en anglais seulement)

I. Vers une vision pour le «  bien-être  »

« Comment peut-on se sentir bien quand on se trouve à travailler ou à étudier dans un milieu où règnent des inégalités marquées parmi les dirigeants, le personnel et les élèves ? » Patrick Case

Le sous-ministre adjoint, Secrétariat de l’équité en matière d’éducation au ministère de l’Éducation de l’Ontario, Patrick Case, a défié les participants de réfléchir au rôle des barrières systémiques dans le milieu scolaire, où les facteurs comme le statut socio-économique, la race ou le sexe font obstacle à la réussite. «  Il est difficile de parler du bien-être sans parler de l’équité  », a-t-il affirmé. «  Comment peut-on se sentir bien quand on se trouve à travailler ou à étudier dans un milieu où règnent des inégalités marquées parmi les dirigeants, le personnel et les élèves ?  » Selon M. Case, les droits de la personne n’auraient pas seulement progressé, mais également subi des affronts, des contestations judiciaires à la discrimination, pour cause de race, et jusqu’aux limitations d’emploi à l’égard des femmes. «  Dans tous ces cas, ce ne sont pas seulement les personnes touchées, mais les collectivités entières qui se mobilisaient et collectaient des fonds pour le changement social et juridique  », a ajouté M. Case. Il a souligné que même encore aujourd’hui, des collectivités entières travaillent à déterminer la façon dont les lois et déclarations sur les droits de la personne fondées sur la valeur devraient être interprétées dans différentes circonstances. D’autant plus que seulement 70 années de notre histoire se sont écoulées depuis l’adoption de la première législation en matière de droits de la personne.

Atteindre l’excellence holistique chez chaque enfant : une allocution dePatrick Case et Denise Dwyer (Ministère de l’éducation de l’Ontario)
Atteindre l’excellence holistique chez chaque enfant : une allocution dePatrick Case et Denise Dwyer (Ministère de l’éducation de l’Ontario)

Denise Dwyer, sous-ministre adjointe, Division du leadership et du milieu d’apprentissage au ministère de l’Éducation de l’Ontario, a déclaré : «  Personne ne voulait une stratégie sur le bien-être. On voulait simplement que nous nous préoccupions de toutes les facettes de l’enfant ainsi que de l’amélioration des expériences vécues par les élèves.  » Dans le contexte de la stratégie ministérielle appelée Le bien-être dans nos écoles fait la force de notre société, cela signifie répondre aux besoins cognitifs, émotionnels, sociaux et physiques des élèves. Intentionnellement vaste, la stratégie tient compte du fait que la réponse à ces besoins n’est pas «  taille unique  » et que, comme les lois et déclarations sur les droits de la personne sont par nature fondées sur la valeur, des règles d’interprétation prescrites n’assureraient pas l’équité.

«  Bien que les enseignants ne puissent pas directement éliminer les obstacles, les dysfonctions et les expériences traumatisantes, ils peuvent cependant combattre le désengagement en inculquant aux jeunes des connaissances politiques . » Ronald Gamblin

Pour les étudiants Riley Yesno et Ronald Gamblin, l’équité et le bien-être passent par l’engagement politique. Tous deux Autochtones, Riley et Ronald ont l’un comme l’autre connu des temps durs dans leur petite enfance. Pour Riley, une Anishinaabe de la Première Nation de Fort Hope, le problème était les débouchés limités pour les jeunes de la réserve, tandis que pour Ronald, un Anishinaabe-Cree vivant en milieu urbain, les difficultés tenaient à l’identité, au racisme et à l’acceptation après que sa famille ait quitté le quartier nord de Winnipeg pour s’installer dans une banlieue principalement blanche. Les deux jeunes ont grandi dans des milieux dysfonctionnels marqués par toutes sortes de désavantages socio-économiques et de mauvais traitements. Pour eux, le fondement même du bien-être a été le pouvoir d’agir et le sentiment d’appartenance que leur ont apporté l’engagement politique et l’activisme. «  Bien que les enseignants ne puissent pas directement éliminer les obstacles, les dysfonctions et les expériences traumatisantes, ils peuvent cependant combattre le désengagement en inculquant aux jeunes des connaissances politiques  », suggère Ronald. La participation de représentants autochtones aux conseils scolaires, l’information des jeunes au sujet des inégalités systémiques, et la mise en vedette d’Autochtones qui sont des modèles de comportement sont quelques façons de semer les graines de l’engagement. Comme l’engagement civique va de pair avec un sentiment d’appartenance, en donnant un but et en ouvrant une voie, il mène également au bien-être.

Viser le cœur du mieux-être : un atelier pratique de musique avec Mimi O’Bonsawin (auteure-interprète)
Viser le cœur du mieux-être : un atelier pratique de musique avec Mimi O’Bonsawin (auteure-interprète)

Pour une jeune femme de 23 ans de Sudbury, qui se dit «  Franco-Canadienne autochtone rousse aux tresses rastas  », le bien-être a beaucoup à voir avec la connaissance de soi. «  Il y a quelques années, quelqu’un m’a demandé de citer trois choses qui me caractérisent que j’aime  », confie l’auteure-compositrice-interprète Mimi O’Bonsawin. «  J’ai eu beaucoup moins de mal à trouver les choses que je n’aimais pas, et je pense que c’est une question à laquelle beaucoup de gens ont bien du mal à répondre.  » Mimi a expliqué que la composition de chansons n’est pas seulement sa passion, mais aussi la force qui la pousse à se montrer honnête avec elle-même en ce qui concerne ses sentiments, ses positions et son identité. Ses multiples facettes et talents lui permettent de raconter son histoire en chansons, ce qui lui confère un sentiment de fierté, de responsabilité et d’appartenance. «  Il se passe quelque chose quand on chante tous ensemble, quand on partage la même vibration  », remarque-t-elle. «  Si on le refaisait, le résultat serait différent, même si on chantait les mêmes notes.  » Encourager les élèves à mieux se comprendre par le biais de la musique, de l’art ou de tout autre moyen d’expression fait des miracles sur le plan de l’amour-propre et de l’acceptation de soi.

« Et si, au lieu de passer le plus clair du temps sur des choses qui donnent du fil à retordre aux élèves, nous insistions sur ce qu’ils n’ont aucun mal à faire et sur ce qui leur apporte de la joie ?  » Dean Shareski

Cette idée donne un petit coup de coude au concept de l’éducation en tant que recherche de la joie, thème sur lequel Dean Shareski, gestionnaire de communauté à Discovery Education Canada, s’est étendu. Au cours de ses 14 ans dans l’enseignement, M. Shareski a souvent entendu le mot «  rigueur  » pour désigner une composante clé de l’éducation. «  Quand je repense à l’époque révolue où je portais de grosses lunettes, je me souviens souvent de Christina, une camarade de classe qui ne souriait jamais  », a-t-il raconté. «  Aujourd’hui, je ne me demande pas si Christina a de bonnes ou de mauvaises notes, mais plutôt si elle est heureuse, et je m’interroge sur le rôle que j’ai pu jouer, en bon ou en mauvais, dans sa découverte de la joie . » M. Shareski soulève ici une question à double tranchant : d’un côté, connaître les résultats scolaires des élèves présente une certaine utilité ; de l’autre côté, selon lui l’apprentissage devrait se faire agréablement et sans peine, et c’est ce plaisir – et non la rigueur – qui est la clé de l’engagement des élèves à l’école, ainsi que sur la voie de l’éducation permanente. «  Et si, au lieu de passer le plus clair du temps sur des choses qui donnent du fil à retordre aux élèves, nous insistions sur ce qu’ils n’ont aucun mal à faire et sur ce qui leur apporte de la joie ?  » a-t-il avancé. Pour lui, la joie est l’expression du bien-être ; c’est un état que les éducateurs peuvent discerner de leurs propres yeux et oreilles, et une pierre d’assise sur laquelle ils peuvent bâtir.

Balado – «  À la recherche de la joie dans un monde complexe »

«  À la recherche de la joie dans un monde complexe », une entrevue exclusive à la Radio VoiceEd avec Dean Shareski, responsable communautaire chez Discovery Education Canada. (Balado en anglais seulement)

II. Pratiques gagnantes en matière de bien-être des enseignants et des élèves

Pourtant, dans un paysage riche en besoins d’apprentissage particuliers et en visions divergentes de ce qu’est la réussite, il peut être difficile de trouver le moyen d’intégrer une notion aussi large que le « bien-être » dans les salles de classe. À l’école Met de Winnipeg – une école secondaire alternative consacrée aux stages et à l’apprentissage par projet – les enseignants se sont vu accorder le temps, la possibilité et le soutien nécessaires pour développer des relations individuelles avec leurs élèves, au point qu’ils sont en mesure de bien connaître les difficultés et les passions de chacun d’eux. « Nous nous sommes dotés d’une politique fondée sur “un élève à la fois”, et nous sommes présents pour tous les élèves, pas seulement ceux à risque ou ceux très performants », affirme la principale de l’école, Nancy Janelle. « Notre modèle met l’accent sur le renforcement des relations et sur la confiance, ce qui nous permet de nous faire les “champions ‘de nos élèves, en plus d’être leurs enseignants. » Le fait de défendre les intérêts des élèves, de les conseiller, de les écouter et de croire en leur compétence et en leur réussite leur a permis de s’épanouir. Une diplômée nous a fait part de son expérience en ces termes :

« Pendant plus de dix ans, j’ai passé mes journées à redouter l’école. J’ai été victime d’intimidation, de harcèlement et de mauvais traitements dès l’âge de cinq ans, après qu’une fille m’ait dit qu’elle allait me tuer. Cette fille m’a menacée pendant toute ma préadolescence et m’a rendue craintive de parler aux autres. Des rumeurs se sont répandues à l’effet que j’avais entraîné un garçon dans les toilettes des filles; et c’est alors, à neuf ans, que j’ai appris le mot “salope”. C’est également à partir de ce jour-là que j’ai appris à réprimer mes sentiments. Avant même de commencer l’école secondaire, j’avais atteint mes limites et commencé à me faire du mal. Je détestais mon existence et me détestais moi-même, et ai décidé un jour que la vie ne valait pas la peine d’être vécue. J’ai a été transportée d’urgence à l’hôpital et, plus tard, on a recommandé que je change d’école. C’est grâce aux relations que j’ai établies à l’école Met que je suis parvenue où je suis aujourd’hui. J’y ai été encouragée par mes professeurs-conseillers, et pour la première fois depuis des années, j’ai pu être moi-même . »

Une table ronde animée par les élèves de l’école Met de Winnipeg, division scolaire Seven Oaks
Une table ronde animée par les élèves de l’école Met de Winnipeg, division scolaire Seven Oaks

À l’école secondaire de Cochrane en Alberta, la création d’un milieu scolaire favorable qui accorde aux professeurs le temps d’établir des liens solides avec leurs élèves s’est avérée tout aussi efficace pour encourager la participation des élèves. L’enseignante Brianne Link et la directrice Anne Kromm ont mis sur pied le programme de création artistique Cochrane Healing Arts Time (CHAT). Il s’agit d’un espace calme et accueillant offert aux élèves souffrant d’anxiété et de dépression en raison de pressions sociales et scolaires. Ceux-ci peuvent ainsi s’exprimer par le biais de diverses formes d’art, parler avec un adulte bienveillant et se retrouver parmi leurs pairs, qui deviennent en fait comme une seconde famille. « Nous avons des élèves qui réussissent au plan scolaire, qui obtiennent les meilleures notes, dans les 90 %, mais leur anxiété est si grande qu’ils marchent la tête baissée et évitent les contacts visuels », déclare Mme Link. « Ces jeunes se souviendront-ils de leurs années d’école secondaire comme d’une réussite ? Ce n’est pas tout de réussir au plan scolaire ; ils doivent également apprendre les compétences sociales nécessaires pour aller dans le monde, devenir adultes, passer une entrevue, obtenir un emploi et travailler avec d’autres personnes. » En somme, cet espace a permis aux enseignants de mieux connaître leurs élèves, tout en permettant à ces derniers de s’exprimer à travers leur art plutôt qu’en interaction nerveuse avec un adulte.

Sheldon Franken (et dans les mots de Platon) : « On peut en savoir plus sur quelqu’un en une heure de jeu qu’en une année de conversation. » Conseiller d’école primaire auprès de la Commission scolaire de Vancouver, M. Franken promeut les principes clés de l’apprentissage social et émotionnel (ASE) par le jeu : conscience de soi, conscience sociale, autogestion, compétences relationnelles et prise de décision responsable sont des qualités essentielles à l’acquisition de la résilience chez les enfants et les adultes face à l’adversité. À titre d’exemple, il expliquait comment chaque personne développe des « zones de confort » et des « zones de danger » dans sa vie. Certaines zones sont inoffensives alors que d’autres diminuent la qualité de vie. En représentant ces zones à l’aide d’un ensemble de cordes colorées – une corde jaune pour la « zone de confort », une verte pour la « zone de croissance » et un rouge pour la « zone de panique » – il invite les participants à évaluer leurs sentiments, leurs pensées et leurs comportements dans différents scénarios, puis à se déplacer vers la zone qui correspond le mieux à leurs émotions. « Les enfants qui nouent des liens solides avec leurs enseignants et leurs pairs sont plus susceptibles de prendre des risques dans leur apprentissage, et ces liens de compréhension peuvent être établis par le jeu », affirme-t-il.

Ainsi, pour Sheldon Franken (et dans les mots de Platon) : « On peut en savoir plus sur quelqu’un en une heure de jeu qu’en une année de conversation. » Conseiller d’école primaire auprès de la Commission scolaire de Vancouver, M. Franken promeut les principes clés de l’apprentissage social et émotionnel (ASE) par le jeu : conscience de soi, conscience sociale, autogestion, compétences relationnelles et prise de décision responsable sont des qualités essentielles à l’acquisition de la résilience chez les enfants et les adultes face à l’adversité. À titre d’exemple, il expliquait comment chaque personne développe des « zones de confort » et des « zones de danger » dans sa vie. Certaines zones sont inoffensives alors que d’autres diminuent la qualité de vie. En représentant ces zones à l’aide d’un ensemble de cordes colorées – une corde jaune pour la « zone de confort », une verte pour la « zone de croissance » et un rouge pour la « zone de panique » – il invite les participants à évaluer leurs sentiments, leurs pensées et leurs comportements dans différents scénarios, puis à se déplacer vers la zone qui correspond le mieux à leurs émotions. « Les enfants qui nouent des liens solides avec leurs enseignants et leurs pairs sont plus susceptibles de prendre des risques dans leur apprentissage, et ces liens de compréhension peuvent être établis par le jeu», affirme-t-il.

Bien que l’établissement de relations solides puisse être difficile compte tenu des contraintes de temps et des exigences imposées aux enseignants, et que la réforme scolaire puisse très bien être la clé de la solution, le psychologue Dr Andrew Miki et le neuroscientifique Dr Matthew Balcarras souhaitent voir les éducateurs se sentir, autant que possible, à leur meilleur maintenant. «  J’ai ouvert mon cabinet après avoir terminé mon doctorat, et j’ai rapidement commencé à recevoir un grand nombre d’enseignants en arrêt de travail pour cause de dépression et d’anxiété », raconte Dr Miki. «  J’ai appris tout d’abord que l’enseignement est une profession d’aide, que la plupart des gens deviennent enseignants pour faire une différence dans la vie des gens, ce qui peut s’avérer à la fois une bénédiction et une malédiction . » D’un côté, les enseignants portent plusieurs chapeaux : ils sont mentors, modèles, sources d’inspiration, employés, professionnels, collègues, soignants, parents, entraîneurs, maîtres de discipline, défenseurs des intérêts de leurs élèves, conseillers et diplomates. De l’autre, ils sont acteurs dans un système composé d’administrateurs, de collègues et du public, qui ne leur sont pas toujours favorables. Les participants au symposium ont partagé ce point de vue, en disant que leur stress provient en grande partie des attentes, de la difficulté à concilier travail et vie personnelle, à gérer leur temps et à travailler avec des collègues et des parents, ainsi que de la méfiance exprimée à leur égard. Le facteur de stress le plus remarquable parmi les participants était peut-être cette pensée récurrente «  Je ne suis pas un bon professeur.  »

«  Établir des liens avec les élèves est essentiel à leur réussite, mais avec les horaires chargés autant des élèves que des enseignants, nous en avons peu le temps.  » Participant

À leur tour, Sam Ozersky, Ph. D., Sagar Parikh, Ph. D., et Kathleen Qu ont demandé aux participants d’énumérer les principales causes de stress dans la profession enseignante. « Non seulement sommes-nous responsables de l’éducation de nos élèves, mais aussi de leur bien-être, de leur sécurité et, dans une certaine mesure, de la personne qu’ils deviendront un jour ? La pression est forte lorsqu’on a l’avenir d’enfants entre ses mains chaque jour  », a déclaré un enseignant. Un autre participant a évoqué le fait qu’« établir des liens avec les élèves est essentiel à leur réussite, mais avec les horaires chargés autant des élèves que des enseignants, nous en avons peu le temps.  » Les trois animateurs de l’atelier ont fait valoir que les enseignants doivent fonctionner au maximum de sa capacité s’ils veulent être en mesure de s’occuper de la santé de leurs élèves. «  Les symptômes de troubles de santé mentale ne sont peut-être pas aussi évidents que ceux d’une jambe cassée, et nous devons être sensibilisés à la façon d’aider les enseignants autant que les élèves dans ces situations  », concluent-ils.

III. Développer une culture favorisant le bien-être dans l’ensemble des commissions scolaires

Incorporer le bien-être comme exigence obligatoire dans le programme d’éducation de la maternelle à la 12 e année : une table ronde animée par Kathy Short, Ph. D., (directrice, Équipe d’appui pour la santé mentale dans les écoles), Katina Pollock, Ph.D., (directrice, Western’s Centre for Education and Leadership, Université Western) et Vani Jain (directrice de programme,Fondation J.W. McConnell)
Incorporer le bien-être comme exigence obligatoire dans le programme d’éducation de la maternelle à la 12 e année : une table ronde animée par Kathy Short, Ph. D., (directrice, Équipe d’appui pour la santé mentale dans les écoles), Katina Pollock, Ph.D., (directrice, Western’s Centre for Education and Leadership, Université Western) et Vani Jain (directrice de programme,Fondation J.W. McConnell)

Comment alors les commissions scolaires peuvent-elles développer une culture qui fait du bien-être une priorité? Vani Jain, de la Fondation de la famille J.W. McConnell, élabore actuellement une stratégie philanthropique sur la santé mentale des jeunes et des enfants. Elle a évoqué la nécessité d’une approche intégrée dans les écoles, en vertu de laquelle le bien-être s’inscrirait dans les pratiques quotidiennes. Ainsi, les éducateurs prendraient soin de leur propre bien-être et en donneraient l’exemple à leurs élèves dans la salle la classe, s’appuyant sur des pratiques fondées sur des données probantes, et recadreraient les programmes scolaires de façon à positionner le bien-être comme condition préalable à la réussite des élèves.

« Comment soutenir la santé mentale de son personnel? », par Jacques Cool et Normand Brodeur 
« Comment soutenir la santé mentale de son personnel? », par Jacques Cool et Normand Brodeur 

Kathy Short, Ph. D., qui travaille actuellement sur la stratégie provinciale de bien-être de l’Ontario, admet qu’il y a beaucoup de travail à faire, car « nos systèmes scolaires n’ont pas les moyens en place actuellement pour s’occuper de questions de bien-être. » Se doter d’une communauté de pratique où les éducateurs peuvent apprendre au contact de leurs pairs, cerner les conditions favorables à un changement systémique, combler les lacunes dans leurs connaissances sur le sujet du bien-être et de la santé mentale, tout en assurant l’équité par l’offre d’un soutien personnalisé à des populations uniques et vulnérables, constituent quelques points de départ de discussions. Cette conversation serait toutefois incomplète si le sujet du leadership scolaire n’y était pas abordé. Selon Katina Pollock, Ph. D., de l’Université Western (Ontario), les directeurs d’école et leaders scolaires aux prises avec l’épuisement professionnel de leurs enseignants ou d’autres problèmes de bien-être sont moins aptes à soutenir l’enseignement et l’apprentissage dans leurs écoles. Assurer le bien-être de tous au sein d’une école exige donc la participation d’intervenants à tous les niveaux, y compris la collaboration d’organismes communautaires et de recherche afin de faire progresser des pratiques fondées sur des données probantes.

Mettre le bien-être et la réussite des élèves et du personnel au cœur de vos priorités : Atelier organisé par Eugénie Congi (surintendante de l’Éducation, CECCE), Melissa Riley (enseignante, CECCE), Louis Barrière (gestionnaire en santé et sécurité du travail, CECCE) et Ann-Michelle McNulty (Leader en santé mentale, CECCE)

Le Conseil des écoles catholiques du Centre-Est (CECCE) représente un exemple innovant de stratégie systémique à l’appui du bien-être des enseignants et des élèves. En effet, son plan d’action 2020 visant à transformer l’apprentissage des élèves l’a amené à placer le bien-être au cœur de ses priorités. « Pour répondre aux besoins variés et complexes de nos élèves, nous devons veiller à ce que nos éducateurs soient non seulement compétents et motivés, mais aussi en bonne santé physique et mentale », a déclaré la directrice générale de l’Enseignement, Eugénie Congi. « Nous devons repenser notre talent et notre leadership, déterminer si nos politiques et pratiques ont été inclusives et favorables à l’innovation, demander aux membres de notre personnel s’ils ont obtenu suffisamment de soutien, voir si la collaboration a été pratiquée par tous et nous demander si nous avons examiné honnêtement les données disponibles afin d’améliorer nos pratiques. »

« Il peut être difficile pour un enseignant de savoir à quel moment envoyer un élève hors de la classe, ou quand tolérer certains comportements, surtout quand la motivation, l’apprentissage et la sécurité de ses camarades de classe sont en jeu. » Steve Bissonnette, Ph. D.

Pour assurer une école bienveillante : le soutien au comportement positif (SCP). Atelier organisé par by Steve Bissonnette, Ph. D., Université TÉLUQ.

Cela s’applique également au projet Soutien au comportement positif (SCP) en milieu scolaire, pour lequel il est vital d’avoir une équipe de direction soutenue par un leadership fort afin de faire l’unanimité. Par exemple, Steve Bissonnette, Ph. D., de l’Université TÉLUQ, affirme que les élèves de quartiers défavorisés placés dans des « écoles efficaces » – où tous partagent les mêmes valeurs – peuvent obtenir des notes aussi élevées, sinon plus, que les élèves des quartiers aisés. Le SCP, en un mot, est un plan d’action à l’échelle de l’école doté de valeurs bien définies et d’une vision de ce que sont des comportements acceptables ou inacceptables chez les élèves. Ce plan comprend des indicateurs de réussite ainsi que des stratégies d’intervention préventives et curatives. « Une des principales raisons qui poussent les enseignants à cesser d’enseigner est leur incapacité à gérer le comportement de leurs élèves », affirme M. Bissonnette. « Il peut être difficile pour un enseignant de savoir à quel moment envoyer un élève hors de la classe, ou quand tolérer certains comportements, surtout quand la motivation, l’apprentissage et la sécurité de ses camarades de classe sont en jeu. » Cependant, l’ensemble du personnel doit adhérer à l’idée de changer les choses, sinon un projet comme celui-ci est voué à l’échec.

 « Efficacité des écoles et leadership des directions », par Steve Bissonnette, Ph. D.
 « Efficacité des écoles et leadership des directions », par Steve Bissonnette, Ph. D.

IV. Soutenir le bien-être dans un monde branché

Bien-être, stress et Internet : stratégies d’autonomisation des élèves dans leur utilisation de la technologie, une allocution de Thierry Karsenti, Ph. D., Chaire de recherche du Canada sur les Technologies en éducation, Université de Montréal (en anglais seulement)

Au fil de ses observations en classe dans le cadre de ses recherches sur le bien-être et a technologie éducative, Thierry Karsenti, Ph. D., professeur à l’Université de Montréal, rencontre souvent des personnes qui craignent le changement. « Nous sommes en 2017 et nous ne devons plus avoir peur de la technologie. Au contraire, nous devons commencer à poser les bonnes questions, parce que, loin de disparaître, la technologie augmentera encore davantage d’année en année. » À la suite de plus de 1 500 heures d’observation en classe et d’études engageant 7 000 participants, M. Karsenti en est arrivé à la conclusion suivante : quand on fait confiance aux élèves et qu’on les informe tant des bons côtés que des aspects sombres de la technologie, les résultats d’apprentissage peuvent s’avérer très positifs. Autrement dit, c’est la façon dont l’ordinateur portable ou la tablette sont utilisés qui influence la réussite scolaire. Ainsi, on pourrait encourager la collaboration en classe et au moment des devoirs grâce au codage ; stimuler la motivation grâce à des jeux interactifs qui encouragent les élèves à « passer au niveau suivant » ; maintenir la concentration, en particulier chez les enfants atteints du trouble du déficit de l’attention ; et favoriser les compétences en pensée critique par le repérage de fausses nouvelles. Selon M. Karsenti, la crainte du changement découle en partie du manque d’information, d’où l’importance de mobiliser les pratiques fondées sur des données probantes dans des programmes de formation sur la technologie pédagogique à l’intention des enseignants.

«  Une grande partie de ce besoin d’être en ligne n’est pas alimentée par les enfants, mais par de grandes sociétés qui rendent leurs plates-formes accoutumantes afin d’y retenir les jeunes . » Valerie Steeves, Ph. D.

Valerie Steeves, Ph. D., professeure à l’Université d’Ottawa, en est venue aux mêmes conclusions sur l’importance de voir avec des yeux d’enfant la façon dont ceux-ci utilisent la technologie.  Depuis 1999, dans le cadre de son projet Jeunes Canadiens dans un monde branché, Mme Steeves étudie l’usage que font les jeunes des médias sociaux et, à cette fin, les a mis au défi de faire un «  jeûne  » de médias sociaux pendant une semaine. Une fois passé le choc initial, les élèves ont dit être plus capables de respecter les délais, d’en faire plus pendant une journée, de voir leurs amis en personne plus souvent, de lire davantage, de réfléchir profondément, de gérer leur stress et de passer plus de temps en famille. «  Une grande partie de ce besoin d’être en ligne n’est pas alimentée par les enfants, mais par de grandes sociétés qui rendent leurs plates-formes accoutumantes afin d’y retenir les jeunes  », dit-elle. Bien que les élèves aient déclaré un certain nombre d’avantages dans les médias sociaux, comme les contacts avec leurs amis et l’échange de blagues entre eux, Mme Steeves a néanmoins l’intention d’organiser des rencontres entre des enfants et des décideurs politiques afin de faire adopter des lois et des programmes susceptibles d’aider les enfants et les jeunes en ligne.

« En quoi l’utilisation des médias sociaux pourrait-elle avoir une incidence sur la santé mentale des jeunes? », feuillet d’information publié par le Réseau ÉdCan en collaboration avec l’Association canadienne des commissions/conseils scolaires (ACCCS) et LEARN Québec
« En quoi l’utilisation des médias sociaux pourrait-elle avoir une incidence sur la santé mentale des jeunes? », feuillet d’information publié par le Réseau ÉdCan en collaboration avec l’Association canadienne des commissions/conseils scolaires (ACCCS) et LEARN Québec

Passer aux étapes suivantes

« Chaque enfant possède quelque chose d’unique », a dit David Bouchard dans son allocution. « C’est notre travail, en tant qu’éducateurs, de le découvrir. » Si le fait de donner aux éducateurs et aux élèves des stratégies d’adaptation leur permet de faire face aux défis quotidiens, une approche systémique crée des conditions favorables à l’établissement de relations fondées sur la confiance entre éducateurs et élèves. Comme l’ont fréquemment souligné les conférenciers et les participants au colloque, d’étroites relations enseignants-élèves font partie intégrante de la réussite et du bien-être de ces derniers, et pourtant, les éducateurs qui veulent faire une différence font face à des contraintes provenant de tous les côtés. Une transformation graduelle de la culture scolaire, plutôt que le traitement des symptômes à l’aide de remèdes à court terme, est essentielle pour donner aux enseignants et aux écoles les moyens de soutenir les besoins des élèves au-delà des cours.

Les plus récentes initiatives du Réseau ÉdCan

Le Réseau ÉdCan continuera d’appuyer et de mettre en valeur les pratiques prometteuses qui développent proactivement le bien-être au sein de la culture de toute l’école, parce que cette question nous concerne tous. Nous vous invitons à consulter Éducation Canada, le magazine trimestriel bilingue du Réseau ÉdCan, ainsi que notre série de feuillets d’information intitulées Les Faits en éducation, pour obtenir plus d’information sur le bien-être des élèves et des enseignants.

Pour accéder aux allocutions complètes et aux biographies de nos conférenciers, visitez la page des événements du Symposium sur notre site.

À propos de l’auteur

André Rebeiz est chercheur au Réseau ÉdCan. Il est diplômé de l’Institut d’études politiques de Paris (Sciences Po Paris).

À propos du Réseau ÉdCan

Avec plus de 125 ans d’expérience en tant que principale voix pancanadienne indépendante pour l’éducation primaire et secondaire, le Réseau ÉdCan est destiné à appuyer les milliers de courageux éducateurs qui travaillent inlassablement afin d’assurer que chaque élève découvre sa place, sa voie et sa raison d’être.

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